Précurseur, novateur, hypersensible  

 Philosophe et écrivain du Siècle des Lumières, il est considéré comme le précurseur des valeurs essentielles de l'ère moderne : les idées de liberté, d'égalité, les grands thèmes de la littérature et des sciences humaines comme la sincérité et le rapport à la vérité. Il eut une influence sur la Révolution Française mais des théoriciens de la contre-révolution (Joseph de Maistre, Louis-Gabriel de Bonald) se réclament eux aussi de Rousseau. Arthur Schopenhauer le qualifiait de « plus grand des moralistes modernes »

Né à Genève dans une famille calviniste,  Jean-Jacques Rousseau, orphelin de mère, est abandonné par son père à l'âge de 10 ans et élevé par son oncle. Son éducation se fait au gré de ses fugues, de ses errances, de ses rencontres, en particulier Mme de Warens qui influença son oeuvre. Passionné de musique, il élabore un système de notation musicale qui ne rencontre pas de succès et écrit pour l'Encyclopédie de son ami Diderot des articles sur la musique. Thérèse Levasseur, modeste servante lui donne cinq enfants qu’il confie aux Enfants-trouvés, ce que lui reprocheront plus tard ses ennemis.

 

Philosophie
En 1750 son "Discours sur les sciences et les arts » porte le thème central de sa philosophie : l'homme naît naturellement bon et heureux, c'est la société qui le corrompt et le rend malheureux. Il réfute ainsi la notion de péché originel.  « Tout est bien sortant des mains de l’Auteur des choses », Rousseau affirme que l'humanité dans sa condition primitive est exempte de perversité ou de vice. L’état de nature est une situation heureuse, où les hommes vivent dans l'abondance, sont libres et égaux. En effet, Rousseau estime qu’à l'état de nature, il ne peut y avoir ni domination ni droit et donc qu'il ne peut y avoir d'inégalité de droit. Dans Émile ou l'éducation, l'amour de soi, ni bon ni mauvais en lui-même, l'amour d'autrui (pitié) et le désir de conservation sont les seules passions naturelles qu’il attribue à l'Homme. C'est aussi la nature elle-même qui, paradoxalement, rendait possible cette sortie de l'état de nature, car Rousseau considère que l'Homme a naturellement en lui le potentiel de développer des passions et des désirs qu'il ne possède pas primitivement et de développer sa capacité de raisonner, qu'il appelle la « perfectibilité » de l'Homme.
Dans l'Emile  Rousseau tonne contre Paris et Londres, où l'homme vit à l'encontre des lois de la Nature : « Les villes sont le gouffre de l'espèce humaine [...] Les hommes ne sont point faits pour être entassés en fourmilières, mais épars sur la terre qu'ils doivent cultiver. Plus ils se rassemblent, plus ils se corrompent ». Il décrit son idéal, la ferme isolée vivant en autarcie sous un régime patriarcal : « ce pain bis, que vous trouvez si bon, vient du blé recueilli par ce paysan; son vin noir et grossier, mais désaltérant et sain, est du crû de sa vigne; le linge vient de son chanvre, filé l'hiver par sa femme, par ses filles, par sa servante… » Ainsi, société, inégalité et vices sont pour Rousseau associés : « l'égalité rompue fut suivie du plus affreux désordre : c'est ainsi que les usurpations des riches, les brigandages des pauvres, les passions effrénées de tous étouffant la pitié naturelle, et la voix encore faible de la justice, rendirent les hommes avares, ambitieux, et méchants »

Politique
Dans la lignée « contractualiste » des philosophes britanniques des XVIIe siècle et XVIIIe siècles, Rousseau pense que seule un contrat social peut légitimer l'autorité politique et permettre à la volonté du peuple d'exercer sa souveraineté. Dépassant Montesquieu et Voltaire dans la défense de la liberté et de l'égalité, il préconise un ordre naturel qui concilie la liberté individuelle et les exigences de la vie en société. Le "Contrat social" a inspiré la Déclaration des Droits de l'Homme, la philosophie de la Révolution et aussi la philosophie allemande (Kant, Fichte...)
Pour Rousseau, ce n'est qu'une fois les Hommes regroupés en société et unis « pour lutter contre les dangers » et que fut instaurée la propriété, que surgissent les inégalités et l'état de guerre. Et c'est de là que s'imposa la nécessité d'établir des lois et de se soumettre à une autorité commune. La souveraineté appartient au peuple,  non à un monarque ou à un corps particulier. L’l'homme peut se soumettre à une autorité politique, sans rien perdre de sa liberté dans « une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s'unissant à tous, n'obéisse pourtant qu'à lui-même, et reste aussi libre qu'auparavant».
 Quelques citations : « Le plus grand bien de tous, qui doit être la finalité de tout système de législation […] se réduit à ces deux objets principaux, la liberté et l'égalité. » ; « Les peuples se sont donnés des chefs pour défendre leur liberté et non pour les asservir » ;  C’est précisément parce que la force des choses tend toujours à détruire l’égalité que la force de la législation doit toujours tendre à la maintenir » ;  « Otez [des volontés particulières] les plus et les moins qui s'entre-détruisent, reste pour somme des différences la volonté générale ».
Rousseau s'opposait à la démocratie représentative et lui préférait une forme de démocratie directe, sur le modèle antique. Se borner à voter, c'était, selon lui, disposer d'une souveraineté qui n'était qu'intermittente. Il critique le système électoral de l’Angleterre, en affirmant que le peuple n'y est libre que le jour des élections et esclave sitôt que ses représentants sont élus. « La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle ne peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point : elle est la même, ou elle est autre ; il n’y a point de milieu. Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires ; ils ne peuvent rien conclure définitivement » et  « Toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle »

Religion
Perçu comme un hérétique par les protestants et les catholiques, il est adepte d’une sorte de déisme naturel, réfute la religion telle que révélée par les témoignages des hommes (l'Église), la foi, les miracles, la doctrine du péché originel, la théologie et les livres sacrés et se livre au libre examen des dogmes, ce qui lui vaut d'être condamné en 1762 par le parlement de Paris. Elevé à Genève dans la foi protestante du calvinisme il se laisse convertir au catholicisme romain à l'âge de 17 ans, puis l’abjure à 42 ans, pour renouer avec le protestantisme. « Je suis chrétien, non comme un disciple des prêtres, mais comme un disciple de Jésus-Christ. ».  Sa foi en Dieu n'est pas issue de la raison comme celle des autres déistes de son siècle, mais de ce qu'il ressent, des sentiments intimes. Il considère les malheurs des hommes comme nécessaires à l'harmonie universelle et se console par la croyance en l'immortalité.

 

Education
Dans "L'Emile ou l'Education", Jean-Jacques Rousseau soutient que l'apprentissage doit se faire par l'expérience plutôt que par l'analyse et que l'éducation doit commencer par le caractère et tendre à former des hommes plus que des esprits.

 

Mal compris
L'homme et son l'œuvre furent critiqués par les philosophes, attaqués par Voltaire (sur sa théorie de l'homme corrompu par la société) qui pousse la population à lapider sa maison et brûler ses livres, Jean-Jacques Rousseau se sent persécuté. Il tente de se défendre et de s'expliquer dans "Les Lettres écrites de la montagne" et les "Confessions". Il passe les dernières années de sa vie à Ermenonville dans la maladie et l'isolement.
David Hume disait de lui34 : « Toute sa vie il n'a fait que ressentir, et à cet égard sa sensibilité atteint des sommets allant au-delà de ce que j'ai vu par ailleurs » et Henri Bergson : "Rousseau est par excellence l'homme que l'on discute sans le connaître »

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