Philo et actualité, penser l’événement
Introduction au sujet
La philosophie, n’est pas seulement théorie. Elle apprend à vivre et à comprendre le monde.
Elle ne consiste pas dans un acte de pure connaissance ou de réflexion sur les conditions de la connaissance, mais dans une attitude concrète, dans un style de vie qui engage.
Pour Descartes, elle sert à apprendre à « bien penser pour bien faire », Pour Kant elle est « Une pratique et un exercice de la sagesse », Foucault la pratique comme art de vivre, quête de la sagesse.
« La valeur d’une vraie philosophie ne se place pas dans une éternité impersonnelle.
Sa face lumineuse est tournée vers les êtres temporels que nous sommes.
Sa sollicitude pour nos angoisses fait partie de sa divine essence.[…]
L’aspect véritablement philosophique se mesure à son actualité ; Le plus pur hommage qu’on puisse lui rendre consiste à la mêler aux préoccupations de l’heure » écrivait Emmanuel Levinas (à propos de Maimonide).
Aujourd’hui on redécouvre la philosophie comme art de de penser. Elle occupe une place de plus en plus importante dans l’espace public. Elle est mêlée aux préoccupations de l’heure. Parlant des crises et de l’actualité, les commentateurs, chroniqueurs, éditorialistes citent Weber, Levinas et d’autres philosophes comme des repères qui permettent de prendre du recul sur le foisonnement de l’information médiatique, conduire l’action politique, faire barrage par la sagesse, à la déraison qui guette souvent aux portes du monde.
La philosophie, art de penser, en nous apportant la dimension critique à l’égard des faits, des modèles, des injonctions, nous permet de nous orienter dans le monde, de comprendre l’actualité, de former notre opinion sur des bases solides
Pour bon nombre d’événements il est nécessaire de concilier le temps de l’urgence et le temps de la réflexion pour comprendre, éviter les réactions à chaud, dans l’émotion
L’actualité est riche de sujets qui nous questionnent et demandent à être pensés à l’aide de critères, de principes posés par la philosophie :
Au-delà de la particularité de chaque événement, elle permet de prendre de la distance, leur donner un sens et s’orienter pour forger son opinion et pour agir.
Il ne s’agit pas là de commenter les événements, ni de prendre la place des politiques, mais de réfléchir à ce qui est juste de faire dans une situation à partir de principes posés hors de la situation elle-même et de l’urgence.
Quels principes poser ? Quelles priorités ? le respect, l’égalité, la qualité de vie, la liberté ? la sécurité ?
Il s’agit de trouver comment face aux événements et au sujets de l’actualité être en accord avec nos principes.
Quelques points évoqués lors du débat
Comment définir l’actualité ? L’événement ?
- Des faits qui questionnent
- Qui nous touchent collectivement (ou pas, cela dépend de la culture de l’individu)
Pourquoi des thèmes sont-ils « d’actualité » : la sécurité, les réfugiés, la guerre … Puis ils cessent de l’être. Exemples : la bombe atomique, la démographie
Ce qui fait « événement » paraît « surgir » et poser des questions nouvelles :
Tchernobyl 1986, Fukushima, attentats etc.
Et pourtant « les grandes idées arrivent sur des pattes de velours »
L’actualité comporte :
- une notion de temporalité : Ce qui est contemporain. Acte, concept, art, qui se passe à la même époque que sa propre vie. Ensuite cela devient « classique » (ou tombe dans l’oubli)…
- Une notion d’espace : ce qui est proche a souvent plus d’impact que ce qui se déroule loin, ce qui concerne des citoyens français nous touche plus
- Sélection : qui et comment sont choisis certaines infos ou certains évènements portés à notre connaissance par les médias
Face à l’actualité, nous nous forgeons une opinion
L’opinion ce sont les faits rapportés, l’ensemble d’idées que l’on se fait, connues superficiellement et que l’on accepte ou diffuse sans vérifications – (cf à Athènes les sophistes étaient des faiseurs d’opinion et la « doxa »).
Nos opinions font que nous intéressons à certaines actualités.
La science est le contraire de l’opinion, car elle doit faire l’objet de preuves et de vérifications expérimentales.
L’événement n’est pas immédiatement compréhensible. C’est ce qui se produit d’inattendu, sans rationalité apparente, quand il se produit il est difficile de le comprendre d’emblée, il faut faire un effort pour le penser exemples : les attentats, la corruption dans le foot…).
L’évènement paraît ne pas « produire du sens », il nous oblige à nous questionner
- Sur notre façon de le vivre
- Sur notre perception de ce qu’il signifie
- pourquoi nous ne l’avions « pas vu venir »
- Sur ce qu’il apporte et ce qu’il détruit
Quand une actualité devient fait historique
L’évènement peut être « historique » ou bien concerner seulement l’époque,
- Historique s’il a une portée universelle
- Historique s’il révolutionne notre vision de la vie
- Historique s’il ne sera plus possible de concevoir structurellement le monde de la même manière après l’événement.
Heidegger parlait de fait « historial »
L’influence de Napoléon est « historiale ».
Est « épocal » ce qui va constituer, marquer l’époque. Exemples : : le 11 septembre 2001 attentats à New York et Washington , la montée du fascisme, l’avénement des congés payés
Actualité et philo
De plus en plus les journalistes se tournent vers des « philosophes » pour donner à entendre ou à lire une analyse « philosophique » des évènements qui « secouent » avec force le cours des sociétés ouvertes à l’information, dans lesquelles nous avons la chance de vivre.
Ainsi plusieurs « experts » se succèdent : le « spécialiste du terrorisme », celui des « sociétés en crise », celui des « religions », celui « de la sécurité » et aussi le philosophe.
Cela est plutôt rassurant de voir ainsi la philosophie appelée à donner du sens aux événements.
Dès qu’un fait d’actualité semble se détacher de l’ordinaire des événements, il est de tradition d’interroger le philosophe sur le sens qu’il faudrait lui donner, ou sur la signification profonde, et donc cachée, dont il serait par hypothèse porteur.
Le philosophe se prête souvent à l’exercice, en offrant au journaliste impatient la clé d’une compréhension authentique de l’histoire telle qu’elle se fait, loin des considérations empiriques des sociologues ou des experts en géopolitique. Parfois le philosophe propose une analyse conceptuelle dense et intéressante de ce qui s’est passé, comme le montrent en abondance les prises de position et les rebonds qui occupent les pages centrales des quotidiens français.
- Exemples : Les attentats ont soulevé la question de la sécurité et des questionnements sur le fait que trop de sécurité seraient une atteinte à la liberté. Il y a d’une part demande de sécurité et d’autre part exigence de considération de ce qu’est la démocratie : quelle lien entre l’une et l’autre, quelle chronologie, laquelle est la condition de l’autre, peut-on sacrifier l’une à l’autre ?
L’événement est-il vraiment l’imprévisible ?
Ethymologie du mot« Actuel, actualité» :
- Dérivé du latin actualis (« qui agit, qui est en actes, qui met en application »),
- le sens moderne d’actuel.apparait début du XIXe siècle
- « Actualité » Dérivé du latin médiéval actualitas (« force opérante »)
- Le terme viendrait d'un expression latine de la seconde moitié du xive siècle, cauteres auctuaus ce qui littéralement signifie: « cautère qui agit immédiatement ».
L’acte réalise ce qui est en puissance.
L’événement est ce qui advient. Mais d’où arrive-t-il ?
Bien qu’il semble « tomber sur nos têtes », l’événement n’était pas totalement impossible à prévoir. Ce n’est pas ce qui surgit mais « ce qui pouvait surgir »
Il est en puissance dans l’état du monde qui le précède, il ne fait que matérialiser les potentialités existantes. Il n’y a pas de faits sans causes…
La bonne question à se poser est : « pourquoi ? »
L’événement vient du passé. Le présent en est l’actualisation. Le futur est en préparation dans le présent.
L’événement = le structurel, il a une portée universelle.
Le conjoncturel a plutôt une portée politique, limitée dans l’espace et avec différents degrés d’impact.
Ainsi il est faux de prétendre que l’on ne pouvait pas « prévoir » :
Exemples :
- La croissance démographique
- Les bouleversements climatiques : les industries minières fossiles, exploitant le pétrole et le gaz de schiste, le charbon, l’uranium, le cuivre, l’aluminium détruisent les sols, polluent l’eau, l’air et « réchauffent le climat » par effet de serre.
- L’immersion des îles. Etc.
Il ne faut pas méconnaître ce qui dépend de nous…
La pensée, qui se construit dans la durée, précède l’acte. C’est la porte d’entrée de la liberté :
Exemple : Rosa PARK a été consciente de son acte libre décidant de ne pas se lever du bus, (épisode qui a déclenché la prise de conscience contre l’apartheid aux USA)
Par cette affirmation de sa dignité elle a été la cause d’une chaîne d’évènements qui devaient aboutir à la reconnaissance des droits civiques des Noirs Américains. Ainsi ils devinrent les égaux des blancs, et en droit il fut mis fin à la ségrégation raciale.
Le mouvement, la puissance = capacité à aller vers la réalisation d’une force (en latin : dynamis)
Réaliser quelque chose qui était en puissance dans l’instant présent.
Nous puvons lepercevoir si nous avons la capacité à l’analyser
Où trouver les outils pour penser l’actualité ?
On exagère souvent le rôle des medias. Ils filtrent mais en réalité il y a peu de censure. Ils privilégient certaines informations et interprètent. Cependant tout citoyen a la possibilité de trouver l’information à la source. Nous sommes en réalité très informés, notamment avec le web, chacun peut être soi-même journaliste et investiguer.
Mais cela ne suffit pas. Il nous faut rester des citoyens actifs qui vont chercher l’information ailleurs que celle diffusée dans les « mass média ». Citoyens pouvant ainsi faire s‘entrecouper la science avec les arts, la politique avec la technique, et entre elles la liberté, l’égalité, la sûreté, la fraternité, la laïcité.
Il faut aussi connaitre l’histoire.
Et de cette confrontation faire advenir la lumière de sa propre connaissance de « l’événement ».
Le temps s’accélère-t-il ?
Le temps est une manière de formuler un rapport entre le mouvement et l’espace. Le temps ne change pas, c’est notre conscience qui fonctionne différemment. La conscience ne vit qu’au présent mais elle est tournée vers le passé et le futur