L’homme, être de nature ou de culture ?

 

La culture désigne un ensemble de productions artificielles par lesquelles l'homme s'écarte de la nature, de sa nature peut-être. En tous les cas elle induit une transformation par rapport à ce que l'homme est de manière innée, à l'origine, comme individu et comme espèce. Dès lors, que peut-on penser de ce processus? La culture fait-elle l'homme ? Peut-on dire qu'elle le transforme au point d'en faire ce qu'il est ? L'homme ne devient-il lui-même que grâce à ce processus de transformation qu'est la culture ? Au contraire, la culture ne peut-elle pas être pensée comme une simple variation qui ne fait que permettre à l'homme de développer une nature qui, fondamentalement, ne change pas? Ou, au contraire encore, peut-on craindre ou constater que la nature "défait" l'homme, le dénature?

 DEFINITIONS

 Nature :

Le mot nature sert à désigner soit la nature d'un être, soit la nature en général.

  • nature d'un être :

1) Initialement, principe dirigeant le développement d'un être .La nature s'oppose dans ce cas, en tant que cause, à l'art et à la technique.

2) Essence, ensemble des caractères qui définissent un être comme conforme à son espèce.

        Exemple : nature humaine, présente en tout homme.

3) Tout ce qui est inné ou spontané dans une espèce.

S'oppose alors à la culture (Cf. homme à l'état de la nature - Rousseau ) ou, dans le langage de la théologie, à la révélation et à la grâce.

4) Dans un sens plus particulier, désigne les caractères propres à un individu qui le distinguent d'un autre :      "C'est dans sa nature"

  • nature en général

La nature est alors l'ensemble des réalités (règne animal, minéral et végétal) soumises à des lois générales.

Ce sens se spécialise ensuite :

1) Ensemble de tout ce qui existe; ensemble des êtres soumis à une causalité de type mécanique (par opposition à la liberté ou à l'esprit).

2) Le monde visible en tant qu'il s'oppose à ce qui est d'ordre affectif, spirituel ou intellectuel.

3) Par opposition à surnaturel, ce à quoi nous sommes habitués. Cf. Pascal, habitude, "seconde nature"

 Culture :

Le terme la culture présente deux sens fondamentaux,

1) au sens humaniste, il désigne l'instruction, le savoir ;

2) au sens anthropologique, il désigne l'ensemble des comportements acquis et des productions ajoutées par l’activité humaine, cet ensemble étant constitutif de la civilisation.

 Quelle est la part de ce qui revient en l'homme à la nature (= de l'inné),  et à la culture (=des acquis) ?

 L'éloignement de la nature

 Le regard traditionnel de l'homme sur la nature : source de vie

Le regard traditionnel de l'homme sur la nature est un regard caractérisé par un étonnement émerveillé : la nature est perçue comme étant une réalité dynamique - "principe et cause de mouvement. " (Aristote) - qu'il convient d'accueillir telle qu'elle s'offre à nous.

La nature est source de vie : étymologie grecque [phusis < phuein (croître) < phoos, lumière, qui fait voir, révèle et, par sa chaleur, fait croître], et étymologie latine [natura<natus<nascor = donner naissance].

Il s'agit dès lors de s'y ressourcer :

Selon le  mot d'ordre (moral) tant des stoïciens que des Epicuriens: "Vivre conformément à la nature ".

Et l’image fréquente, selon Montaigne : natura = mère, source de vie et guide (éducatrice) à la fois.

 N.B. L'idée selon laquelle l'homme échapperait à cet ordre, naturel, des choses et jouirait ainsi d'une capacité de décision propre (donc de liberté) est étrangère à la pensée grecque

 Le regard "moderne" à l’âge classique : la maîtriser

Nouvelle relation de l'homme au monde, à l'âge classique :

"À un monde conçu comme une sorte d'habitation où l'être humain trouvait sa place, se substituait un univers géométrique, livré à l'investigation d'une pensée méthodique " (Le Temps des Philosophes, Hatier p. 202)

Le regard de l'homme moderne est un regard intéressé, qui voit dans la nature une simple réserve de matériaux à exploiter ou de forces à maîtriser. La nature est devenue pour l'homme moderne ce dont il faut "se rendre comme maître et possesseur" (Descartes, Discours de la méthode)

Relation impliquée sur le plan théorique, celui de la connaissance, qui est au service de la main mise pratique sur l'ordre des choses (celle, technicienne, des sciences appliquées ) : il ne s'agit pas tant de s'assurer de ce qui est (prudence, nos sens nous trompent - cf. DescartesMéditation  1 ) que de saisir les relations constantes, quantitatives donc mathématiques entre les phénomènes afin de mieux les diriger:" On commande à la nature en lui obéissant." (Bacon)

La certitude devient instrument d'une volonté de puissance.

 La négation de la nature : les interdits, les règles, les lois

L'évolution qui vient être observée dans le regard posé par l'homme d'Occident sur la nature est l'achèvement du grand refus de la nature qui transforme l’animalité en humanité.

 L'interdit, passage de la nature à la culture

L'homme devient homme lorsqu'il commence à opposer des interdits (notamment celui de l'inceste) à ce qu'il devine être en lui l'animalité originelle.

Apparition de la règle, loi culturelle

Le passage du règne de la violence à celui de la loi se fait par le moyen socioculturel de l'interdit.

Cf. Lévi-Strauss , Structure élémentaires de la parenté.

Claude Lévi-Strauss met en évidence l'existence d'un interdit fondateur de la culture, l'interdit de l'inceste.

Cf. Kant , Traité de pédagogie

Kant voit dans la discipline le moyen d'instaurer l'humain : "La discipline transforme l'animalité en humanité "

 La plasticité du comportement humain

Le corps humain n'est jamais laissé à l'état naturel.

Cf. Symbolisme de la nudité et du vêtement dans la Bible, en Genèse 2, 7

Cf. Nudité de Robinson : Dans Vendredi, de M. Tournier, elle marque son retour à l'animalité.

Que montre la diversité des façons qu'a l'homme de satisfaire ses besoins biologiques ?

Elle révèle une malléabilité (plasticité, adaptabilité) de l'être humain.

L'existentialisme et la nature humaine

La conception existentialiste 'affirme l'indétermination originaire de l'être humain.

Cf. Sartre, qui va jusqu'à nier que l'homme puisse se définir par référence à quelque nature initiale que ce soit : pour lui, "l'existence précède l'essence".

En l'homme, rien ne se serait inné, tout serait acquis!

=> Homme = "enfant trouvé métaphysique" (Ruyer)

  De l'inné à l'acquis

Pour les psychosociologues l'homme émerge du berceau social.

L'individu constituerait sa "personnalité de base"  par des influences qu'exercent sur lui les groupes dans lesquels il grandit. A la différence des autres animaux, l'homme n'a pas d'instinct, ne dispose pas de savoir-faire inné, c’est à dire de réactions automatiques et préformées. Ce qui explique l'adaptabilité plus grande et plus rapide de son comportement. Ainsi, parler d'instinct sexuel relève de l'abus de langage ; mieux vaut effectivement parler, à la suite des psychanalystes, de pulsion. (Cf. travaux de M. Mead)

 Somme toute, l'homme se reçoit moins de la nature que de la culture : si héritier il est, c'est de la société plus que de la nature. Ce qui revient à dire que l'être humain est  plutôt indéterminé.

 Potentialités humaines

Le comportement originaire de l'homme est grandement indéterminé. Doit-on pour autant rejeter l'idée d'une nature humaine ? 

  1. Il existe un fond biologique incompressible.

Existe-t-il des besoins naturels ?

Quelques variables que puissent être les façons qu'ont les hommes de se nourrir, reste que leur corps, quelle que soit l'époque et la latitude sous laquelle ils vivent, réclame de la nourriture!

Cela suffit-il à prouver l'existence d'une nature HUMAINE ?

Non, car ces besoins sont identiques à ceux d'un animal. 

  1. L'homme est seul capable de certaines performances

Ce qui prouve l'existence d'une nature humaine, c'est que l'homme est capable de performances qu'il est seul à être en mesure de réaliser, que l'on désigne par le terme de potentialités.

Ce dont l'homme est capable :

- de performances intellectuelles observées par les psychologues, fondées sur l'aptitude à former des pensées inactuelles, à créer un univers imaginaire : les idées, les créations artistiques, philosophiques, scientifiques,

- à concevoir un système de transmission unique : l’écriture, permettant d’accumuler une masse exponentielle de savoirs dont hériteront les générations nouvelles,

- de performances affectives, observées par les anthropologues, par exemple exigence de règles, exigence de réciprocité et pratique du don et de l'échange.

 Que faut-il pour que les capacités de l'homme se réalisent?

Elles ont besoin d'un entourage social pour s'affirmer. Cf. Les enfants sauvages, Malson

 On peut dire, à la suite de Bergson, que le comportement de l'homme qui est caractérisé par l'intelligence, inventive, s'oppose au comportement naturel, instinctif, incapable d'invention.

 Conclusion

L'indétermination première du comportement de l'homme explique la diversité des cultures humaines, qui sont autant de solutions adaptées aux problèmes particuliers que pose l'environnement, à un groupe déterminé et adoptées progressivement, s'imposant de générations en générations et privilégiant certaines valeurs.

Cette façon de voir permet d'invalider l'ethnocentrisme.  : il ne saurait exister de point de vue neutre, absolu, qui permettrait d'établir une hiérarchie entre les cultures humaines.

De plus, nous devons reconnaître que nous sommes dans l'incapacité de faire la part en l'homme de ce qui est de l'ordre de la nature et de l'ordre de la culture.

 

La nature de l'homme est d'être inscrit dans le temps et la culture est bien ce développement de sa nature dans le temps et l'espace :

La raison se perfectionne comme les passions au contact du monde et des autres. Le processus d'humanisation et de formation (au sens allemand de Bildung) suppose un être temporel et historique
Cf. Kant, Réflexions sur l'éducation

La véritable nature de l'homme est de ne pas en avoir, d'être par la culture l'auteur de ce qu'il est comme de ce qu'il refuse  d’être :

L'ambivalence de la culture consiste dans le constat que l'humanisation est possible, par la nature de l'homme d'être contingent et non nécessaire, comme une idéalité mathématique dont on conçoit une définition. 
Le processus de formation ou de culture concerne l'individu inscrit dans une histoire et la tragédie de l'histoire vient de ce qu'il est possible de produire de l'humanité comme de l'inhumanité.

 Et selon  Merleau-Ponty :" Tout est fabriqué et tout est naturel chez l'homme, comme on voudra dire..."

 ============================================================================

HESIODE -VIII siècle avant notre ère

La race des hommes vivait auparavant sur la terre à l'écart et à l'abri des peines, de la dure fatigue, des maladies douloureuses, qui apportent le trépas aux hommes. (Des travaux et des jours. Hésiode, Poète

Extrait :

« Prométhée et Epiméthée sont tout deux des Titans, fils de Japet et de Clymène. Ils sont aussi les frères d’Atlas (celui qui sera puni par Zeus et devra porter éternellement la voute céleste sur ses épaules) et Ménoïstos (qui sera foudroyé à cause de sa trop grande arrogance). Quoiqu’il en soit Prométhée et Epiméthée sont deux frères totalement antagoniques.

 Etymologiquement Prométhée signifie « celui qui pense en avance » (pro),

 et Epiméthée « celui qui pense après » (épi).

Prométhée est un être doué d’intelligence et de ruse tandis que son frère peut être qualifié comme le dernier des imbéciles. Or ces deux frères ont été d’une aide précieuse au côté de Zeus lors de son combat contre les titans. Ainsi pour les remercier il leur confie une mission hautement importante : celle de la création des êtres vivants, des mortels.

 Ainsi Prométhée se voit confier la construction de l’homme,

 et Epiméthée celle des animaux. Seulement comme nous l’avons vu, ce dernier est légèrement écervelé et donne aux animaux tout les attributs nécessaires et vitaux. Il leur fait don de la force, de la rapidité, de poils, d’écailles, d’ailes, de griffes, d’instinct etc. Ainsi les animaux ont tout pour être autonomes : ils peuvent combattre le froid, le chaud, voler, courir, affronter les prédateurs, se nourrir d’herbes ou de viandes. Epiméthée venait déjà de créer une sacrée bourde, il avait tout légué aux animaux en ne laissant plus rien à l’homme qui est nu et dépourvu d’attributs.

 Alors Prométhée conçu un homme capable de tenir sur ses deux jambes, un corps robuste et solide. Mais ces traits n’étaient pas suffisants pour assurer la survie des hommes. Alors Prométhée commit la plus grave erreur qui sera fatale pour l’humanité toute entière

Il décide de voler le feu et les arts aux Dieux pour les donner aux hommes. Zeus en découvrant le délit, entra dans une rage folle et enchaîna Prométhée éternellement à un rocher où chaque jour, l'Aigle du Caucase lui dévore le foie.”

PLATON (428-348 avant notre ère)

  « L'espèce humaine restait donc dépourvue de tout, et il ne savait quel parti prendre à son égard. Dans cet embarras, Prométhée survint pour jeter un coup-d'œil sur la distribution. Il trouva que les autres animaux étaient partagés avec beaucoup de sagesse, mais que l'homme était nu, sans chaussures, sans vêtements, sans défense. (Platon, Protagoras)

C'est pour cela que Prométhée jugea qu'il était indispensable que les hommes aient à leur disposition le feu pour utiliser au mieux les arts et les techniques. »

 

Les mythes grecs sont familiers à notre univers mental.

Et pourtant ils sont eux-mêmes l’héritage de milliers de générations qui ont cherché des réponses

à leurs questions sur leur condition d’êtres au monde” capables du meilleur et du pire, et à leur questions éternelles : d’où venons-nous ?, qui sommes-nous ?, que pouvons-nous ?, vers quel futur allons-nous?

Aujourd’hui, 2800 ans  après Hésiode, nous sommes encore confrontés à ce questionnement humain, ainsi  formulé :

  • Sommes-nous les héritiers de Prométhée celui qui pense et prévoie tout, mais se heurte aux conséquences de ses actes, et se retrouve condamné à l’angoisse d’être dévoré, par la nature = l’aigle ? ;  ou bien par sa propre nature = sa révolte contre la nature?
  • Ou bien sommes nous les héritiers d’Epiméthée, prétentieux, agissant suivant la survenance hasardeuse de nos découvertes, satisfaisant nos appétits sans penser à demain, et créant les conditions de nous retrouver encore plus nus, vulnérables, et cherchant un nouveau Prométhée, pour nous tirer du danger et assumer à notre place la responsabilité de nos actes ?

 

==============================================================================

 

Dans son livre «  l’homme masqué, la nature voilée », Alain –Didier WEILL donne une analyse. Voici un extrait :

« Si Prométhée est le père de l’esprit prométhéen des lumières c’est qu’il a arraché par la ruse à Zeus, qui voulait se réserver le secret du feu et des forces de la nature, son secret afin de le révéler à l’homme. Il enseigna à cet homme l’utilisation des procédés techniques permettant, par l’invention de la mécanique, de ruser avec la nature grâce à des instruments fabriqués par l’homme, des machines obtenant des résultats semblant contraires au cours de la nature : soulever des poids énormes, lancer des objets à grande distance.

31

Cette notion de ruse et de violence faite à la nature, qui apparaît dans le mot même de « mécanique » (mechané signifie « ruse ») aboutira quelques siècles plus tard, avec l’apparition de la science expérimentale, à une attitude dans laquelle l’expérimentateur de la Renaissance et des Lumières va engager avec la nature une relation nouvelle : en cessant d’être le lieu de cette phusis [source de vie : étymologie grecque phusis < phuein (croître) < phoos, lumière, qui fait voir, révèle et, par sa chaleur, fait croître], Etymologie latine natura<natus<nascor = donner naissance].

qui demeurait respectée chez les  grecs, elle va devenir, dans l’expérimentation scientifique, une chose à maîtriser désormais dénuée de respectabilité.

32

La nouveauté du développement de la physique moderne tient à ce que la phusis cesse d’être logos, poème de l’univers : en cessant d’être perçue – comme elle l’était par les anciens – comme cause d’étonnement permanent, de terreur sacrée devant l’énigme de l’existence, elle choit comme un lieu qui, déserté par le poétique, devient machine dont la raison peut rendre compte. Que la découverte de l’équation mathématique soit fondatrice pour la science est une chose ; cette évolution  et le type de maîtrise qu’autorise la mathématisation exclut la relation d’amour  sur le réel. Francis Bacon, fondateur de la science expérimentale moderne, évoque la façon dont désormais les secrets de la nature peuvent être traités selon des procédés judiciaires n’excluant pas la torture : « Les secrets de la nature, dit-il, se révèlent plutôt sous la torture des expériences que lorsqu’ils suivent leur cours naturel  Nouvel Organum I, chapitre 38.. »

33

Si l’on songe qu’à cette même époque des femmes nommées « sorcières » étaient torturées pour avouer leurs secrets « diaboliques », nous mesurons les fantasmes masculins   concernant la nature féminine.

34

Évoquons aussi la façon dont la raison, selon Kant Critique de la raison pure., doit se comporter à l’égard de la nature : « Non pas comme un écolier qui dira tout ce qui plaît au maître mais comme un juge en fonction, qui force les témoins à répondre aux questions qu’il leur pose. » Et la formule célèbre de Cuvier : « L’observateur écoute la nature, l’expérimentateur la soumet à un interrogatoire et la force à se dévoiler. »

35

Ce vocabulaire où il s’agit de « forcer » la nature, de la « soumettre » à un interrogatoire, évoque l’inquisition. N’est-il pas ce par quoi une forclusion semble s’imposer à l’expérimentateur ?

36

Il est important pour nous psychanalystes de repérer que l’attachement de Freud pour les sciences de la nature est un attachement par lequel son approche scientifique, prométhéenne, du réel, est limitée, comme chez Léonard, par son rapport esthétique au réel ; par ces maîtres que furent pour lui Empédocle, Léonard et Goethe il sut apprendre ce que par ailleurs son expérience d’inventeur lui enseigna : ce qu’était l’amour de transfert entre Éros et Thanatos et qu’on pourrait ainsi traduire du point de vue psychanalytique : par le désir pour l’objet désirable fini le sujet désirant est renvoyé, transféré, à l’amour d’un point au-delà du principe de plaisir, qui est source d’un flux infini.

37

C’est ce point au-delà, aussi bien impossible à atteindre par la raison que par la jouissance sexuelle, qui s’ouvre comme non inaccessible à l’expérience esthétique.

 »  Cette tout autre voie est celle que nous évoquons comme ouverte par Orphée.

38

Voie par laquelle il ne s’agit plus de forcer irrespectueusement la nature mais de pénétrer ses secrets en considérant qu’en tant que phusis elle est un poème déchiffrable par le poète. Ou bien elle est habitée par un logos qui se fait entendre. Ou bien elle se montre au regard par des hiéroglyphes ou bien elle est un poème structuré par des mots ou bien elle est le lieu d’une signature visible lisible qui par des signes hiéroglyphiques met en évidence une essence se donnant à la contemplation d’un Goethe.

39

Elle se fait ainsi entendre à Orphée, qui par l’harmonie de sa lyre parlait aux arbres qu’il faisait danser.

40

Elle se fait entendre à Pythagore en lui révélant, à travers la vibration harmonique des sons, que l’existence de la tierce, de la quinte, de la septième et de l’octave apprend que l’univers est structuré mathématiquement par des nombres.

41

Elle se fait lire par Léonard qui découvre que la décomposition de la lumière en couleurs permet de penser ce qu’est l’ombre.

42

Elle fait dire à Kant que pour concevoir le réel sublime de l’océan il ne faut pas le regarder dans la perspective de la météorologie mais dans celle de la contemplation poétique.